Photoshop et le pictorialisme

Je prépare présentement une conférence sur le photographe Ansel Adams. Certains éléments de recherche m’ont fait réaliser à quel point l’histoire est un éternel recommencement, que plus ça change, plus c’est pareil…

Ansel Adams est reconnu pour ses magnifiques paysages dans le parc national de Yosemite et dans le Sierra Nevada. Ses images sont des références et des icônes de la photographie. Moonrise, San Hernandez, New Mexico date de 1942 et l’un de ses tirages fut vendu chez Sotheby’s pour 609,600$ en 2007. Cela vous donne une idée de son impact sur le monde photographique. C’était un maitre de la chambre noire. Il est à l’origine du fameux « zone system » qui permet une maitrise de l’exposition et du contraste encore applicable en numérique.

Ce que l’on doit retenir, c’est qu’il est aussi l’un des fondateurs du groupe f64 dans les années 30, qui fit la promotion de la « photographie pure » et qui s’opposait au pictorialisme, la tendance dominante en photographie depuis la fin du XIXe siècle. Ce courant cherchait à porter la photographie au rang des Beaux-arts. La chose est louable en soi mais il le fait en cherchant à simuler la peinture ou l’eau forte. La manipulation du négatif était une technique très prisée à l’époque. Pour plusieurs, cette distanciation du réel revenait à dénaturer la photographie qui est avant tout la capture de la réalité. Le groupe f64 considérait que la photographie est un médium artistiquement autonome et sûr de lui, qu’il n’a pas besoin de références ou de tutelle pour accéder aux Beaux-arts. La photographie contemporaine a d’ailleurs relevé ce défi.

Ce qu’il faut retenir de ce débat, c’est cette distanciation d’avec le réel. Si ce débat s’était passablement atténué au fil du temps, l’imagerie numérique l’a ravivé de façon spectaculaire.

Lors de sa création en 1989, Photoshop s’adressait surtout aux graphistes. Sa complexité en est d’ailleurs le reflet. Avec l’arrivée de la photo numérique, le mariage ressemble à une pub célèbre de Spic & Span. « C’est dans l’eau qu’il prend toute sa force! » On peut faire ce que l’on veut avec Photoshop. Les tenants du groupe f64 sont les premiers à mettre un logiciel de traitement d’image à profit. Ansel Adams lui-même fut un Photoshoper avant l’heure. Optimiser et mettre en forme pour un tirage ou une impression numérique. La question est de savoir : jusqu’où optimiser…

Le monde change, mais il change au point où les pictorialistes sont revenus en force et se vautrent dans les algorithmes jusqu’à plus soif.  On parle désormais de « réalité augmentée ». Le plus bel exemple est le fameux HDR (High Dynamic Range) qui peut vous déboucher des ombres façon Drano. La chose a du bon mais les dérapages sont nombreux et cette fameuse distanciation d’avec la réalité revient au goût du jour. Le domaine du portrait est particulièrement touché. Les paysages qui abondent sur internet n’existent que trop souvent dans le virtuel. Rendez-vous sur place, vous serez déçus…

Photoshop est un outil merveilleux et permet des envolées lyriques en création graphique, en illustration mais pour la photographie en particulier, c’est comme au billard, les meilleurs coups sont souvent le fruit de la subtilité.

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